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Thorniké Gordadzé, politiste : « L’Europe peut et doit empêcher les partisans de Poutine de voler l’avenir européen aux Géorgiens »

Le 26 octobre, l’Europe aura une occasion de plus de répondre à la sempiternelle question au sujet de sa capacité à défendre non seulement ses valeurs, mais aussi ses intérêts face à la Russie et au poutinisme, entendu comme modèle politique alternatif à la démocratie. Lors des élections législatives qui se tiendront ce jour en Géorgie, pays auquel l’Union européenne (UE) a reconnu le statut de candidat à l’adhésion, se feront face un pouvoir de plus en plus autoritaire et hostile à l’Europe, qu’il qualifie de « parti mondial de la guerre », et l’opposition, qui promet de ramener le pays sur le chemin de l’intégration européenne. Les sondages sérieux montrent une avance confortable de l’opposition dans ce pays où plus de 80 % de la population dit vouloir adhérer à l’UE.
Mais les Européens s’interrogent : en cas de victoire de l’opposition, la Russie envahira-t-elle le pays ? L’insistance fébrile sur cette possibilité pourrait faire croire que certains, in fine, sont plus préoccupés par la victoire des forces pro-européennes et par l’apparition d’une crise de plus avec la Russie qui s’ensuivrait.
La peur de la guerre est d’ailleurs l’argument électoral principal brandi par Rêve géorgien, le parti au pouvoir. Outre sa promesse d’interdire l’opposition et de la juger pour trahison dans un « procès de Nuremberg géorgien », le régime fleurit les murs d’affiches électorales montrant les villes ukrainiennes rasées par les bombes et celles de Géorgie, paisibles et proprettes. Mais les Géorgiens semblent las de voir agiter ce chiffon rouge, tout comme de la prétention du gouvernement à sauver le pays des LGBT + et de la généralisation du mariage homosexuel, « imposée par Bruxelles ». L’attrait de l’Europe est beaucoup plus fort, comme l’ont prouvé les 100 000 à 150 000 manifestants pro-européens réunis quasi quotidiennement au printemps.
Ne pas soutenir cet élan serait une grave erreur. La peur de la réaction russe a toujours encouragé le Kremlin à passer à l’offensive : c’est elle qui faisait dire que la moindre aide à Kiev provoquerait l’escalade et que l’Ukraine était perdue avant même que Poutine ordonne l’invasion. C’est cette absence de fermeté, fondée sur les erreurs d’appréciation et la méconnaissance de l’Est, qui est en partie responsable des dizaines de milliers de morts ukrainiens, car Moscou n’aurait peut-être jamais envahi si, avant février 2022, l’Ukraine avait reçu un centième de l’aide militaire fournie depuis lors.
Aujourd’hui, l’Europe peut et doit empêcher les poutinistes de voler l’avenir européen aux Géorgiens, car le 26 octobre aura aussi des conséquences pour le monde occidental. Tbilissi, comme Kiev, est en première ligne. Les forces hostiles à l’Europe veulent y obtenir par le vol du scrutin ce qu’ils visent militairement en Ukraine. Certes, cette dernière est plus grande, et peut-être même plus importante stratégiquement, comme l’atteste d’ailleurs la présence de 3 000 volontaires géorgiens dans les rangs de l’armée ukrainienne, mais la défense de la Géorgie est tout aussi cruciale.
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